Ce que le Business peut apprendre de l’Art
Les professionnels du monde de l’entreprise cherchent l’inspiration à travers la créativité. Jim Stengel, ancien directeur du marketing chez Procter & Gamble, a inventé le terme “artistes d’entreprise” pour désigner les dirigeants ayant la faculté d’insuffler un sentiment d’enthousiasme. Jack Dorsey, fondateur de Twitter, admire les arts et les qualités athlétiques des danseurs classiques. Même Warren Buffett – présenté comme un ardent défenseur des méthodes scientifiques – a déclaré : “Je ne suis pas un homme d’affaires, Je suis un artiste.”
Les concept consistant à exploiter le pouvoir de la créativité par le biais d’un processus moins formel sont importants dans la mesure où ils favorisent la créativité dans des entreprises basées sur la logique qui cherchent à apporter des solutions élégantes, rationalisées et économiques aux problèmes de la vie quotidienne.
Le « design thinking » ne vise pas uniquement à consacrer moins de temps et d’argent à des tâches difficiles ou dangereuses. Il permet de démontrer sa propre expertise dans la création et le choix de stratégies susceptibles d’améliorer le fonctionnement du monde.
Le trombone, le sac à provisions et le bouton de porte sont autant de solutions élégantes qui reflètent cette approche. Quelqu’un décrivait l’application Vine de Twitter comme une solution élégante à un problème que personne n’a jamais rencontré. Ce qui revenait à dire que cette application stimulait la créativité en soi, sans viser de but pratique. Mais les utilisateurs et les marques qui l’ont adoptée, en font un très bon usage, dans le domaine de l’information.
Ces créations sont faciles à apprécier et conduisent parfois à se taper sur le front en disant: “Pourquoi n’y ai-je pas pensé?” Certaines innovations et solutions récurrentes simples et élégantes ne deviennent évidentes que lorsqu’elles ont été révélées. La prise de conscience réveille le génie qui sommeille en nous.
Pensons par exemple à une étrange sculpture d’œuf se trouvant à San Antoni, en Espagne. Selon l’historien italien Girolamo Benzoni, en référence au livre de Christophe Colomb écrit en 1565, Histoire du Nouveau Monde, ce dernier dînait en compagnie d’un groupe de nobles espagnols, et l’un d’eux voulut minimiser l’importance de la découverte des Indes. Il affirma que de nombreux grands hommes et érudits espagnols auraient pu prendre la mer et réaliser le même exploit.
Christophe Colomb répondit en prenant un œuf intact et en mettant ses interlocuteurs au défi de le faire tenir debout sans aide extérieure. Tous essayèrent et tous échouèrent. Colomb reprit l’œuf et en écrasa une extrémité. Il le posa en position verticale et le fit tenir debout. La leçon était claire: une fois qu’une prouesse a été accomplie, tout le monde sait comment la reproduire.
Tout comme l’œuf de Colomb, les inventions les plus simples résultent davantage d’une approche créative à la résolution des problèmes que de l’utilisation de la logique humaine. Elles relèvent d’un processus artistique faisant appel à la finesse, à la sensibilité et à l’imagination.
La créativité n’est pas une qualité que les entreprises peuvent synthétiser en un processus simple sans lui ôter sa magie et sa puissance. La capacité d’une société à résoudre des problèmes et à trouver des solutions élégantes est plus souvent entravée par des insuffisances culturelles que par des lacunes au niveau des processus. En tant que telle, la créativité doit être encouragée et enseignée, et non être mandatée ou prescrite. En matière de résolution de problème, le monde des arts est riche en enseignements qui peuvent s’appliquer au monde de l’entreprise. En voici quelques exemples :
- Les arts nous rappellent l’importance de voir le monde sous des angles multiples, car il peut exister plusieurs solutions à un même problème.
- Ils nous encouragent à émettre des jugements qualitatifs en l’absence de règles.
- Les arts nous préparent à improviser lorsque des problèmes complexes évoluent en fonction des circonstances et des occasions.
- Ni les mots, ni les chiffres ne peuvent expliquer à eux seuls tout ce que l’on sait: les arts agissent avec subtilité et démontrent que les petites différences peuvent produire des effets considérables.
- Ils nous encouragent à développer notre sens poétique et améliorent notre capacité à inspirer et décrire.
- Le marché de l’art est mondial et renseigne le Business a travers ses expressions
Le processus du design thinking vise à éliminer les aspects indésirables de la créativité—échecs, imprévisibilité, conflit et circularité» en conservant les valeurs, comportements et résultats positifs qu’elle peut produire. Le design thinking fait appel aux outils de la créativité – prise de connaissance, formulation, facilitation, visualisation et prototypage–tout en évitant aux participants de devenir victimes de leurs émotions.
Vue sous cet angle, la gestion d’une entreprise pourrait finalement devenir autant un art qu’une science.
Fervent défenseur des arts, Jean-Baptiste Danet a co-écrit un livre intitulé Business Is Beautiful, L’art de cultiver la différence (LID Publishing, 2013).